Il était une fois, un petit hérisson que nous appellerons Arthur.
Arthur avait récemment perdu sa maison, une tondeuse abandonnée dans un coin de terrain, car les propriétaires avaient enfin décidé de s’en débarrasser. Le pauvre petit était donc en quête d’un nouveau chez-lui.

Il ne chercha tout d’abord pas très loin, et s’aventura du côté d’une petite maisonnée en bois, bien plus petite que son ancien chez-lui.
Il réalisa cependant assez vite que cette habitation était déjà occupée par un grand ami plein de poils, qui prit la fuite après avoir trop approché son museau de l’armement d’Arthur.

Il décida alors d’aller voir s’il n’y avait pas une petite maison vacante chez les voisins, de l’autre côté du champ.
En chemin, il trouva une brique abandonnée là, et glissa dessous son petit corps dodu. Ce n’était pas trop mal, se dit-il, quoiqu’un peu petit, peut-être. Mais il prit note de l’abri et reprit son chemin.

Arrivé à destination, il avança timidement vers le poulailler qui semblait avoir encore un peu de place, espérant pouvoir cohabiter avec les habitants plumés.
Les vilaines poules firent cependant comprendre à notre petit ami qu’il n’était pas le bienvenu ici.

Dépité, le  petit hérisson se résigna à chercher un nouveau chez-lui plus loin, peut-être bien au-delà de la longue bande grise qui semblait sans fin.
Cependant,  il ne semblait pas y avoir grand-chose de l’autre côté de ce serpent, si ce n’est de grandes étendues de terre labourées. Arthur décida donc de suivre la route jusqu’à la prochaine maison, s’il y en avait une.
Son aventure n’était pour le moment pas très palpitante, et sa quête guère fructueuse, mais au moins maintenant il n’avait plus à escalader de grosses mottes de terre. Même si le sol n’avait pas une texture très agréable pour ses pattounes.

Arthur aperçut de nouvelles maisons après plusieurs dizaines de minutes de marche et cela l’emplit de joie ! Avec toutes ces maisons, il arriverait forcément à trouver un nouveau chez-lui !

Vroum vroum.

Il approchait maintenant de plusieurs maisons assez proches les unes des autres, et il ne savait pas trop par où commencer. La maison aux volets bleus semblait avoir un très grand jardin, mais les gamelles qu’il apercevait lui faisaient un peu peur.

Vrrrrroum.

La maison avec la grande baie vitrée semblait plus petite, mais elle était entourée de belles haies qui étaient fort attirantes.

Vroum vroum.

C’était difficile, mais Arthur savait qu’il devait se décider, il ne pouvait décemment pas passer sa vie sur cette route. Alors, notre petit hérisson prit son courage à deux pattes et se dirig-vroum.

Iris fixe les traces de boue dans l’entrée.
Iris fixe le linge sale dans la salle de bain.
Iris fixe les miettes autour du canapé.
Iris soupire et nettoie, range, nettoie.

Elle sait que si elle ne le fait pas, ce soir en rentrant, ses parents vont encore crier sur son frère.
Elle ne veut pas qu’ils crient sur son frère. Elle aime beaucoup son frère.

…
…

Timmy fixe la maigre silhouette de sa sœur passant la serpillère dans l’entrée.
Timmy écoute le bruit de l’aspirateur, et se faufile dans la chambre de sa sœur pour déposer un paquet de biscuits dans son sac.
Timmy entend sa sœur s’agiter dans la salle de bain, et colle des petits post-it d’encouragement dans ses cours.
Timmy entend sa sœur s’affaler sur le canapé, et la rejoint, un paquet de bonbons à la main.

Il sait que sa  grande sœur est très, très fatiguée.
Il sait que sa sœur ne mange pas bien.
Il sait qu’il lui cause des soucis. Parfois, il se dit qu’il ne fait que ça.

Mais il sait aussi que sa sœur l’aime beaucoup, et il aime beaucoup sa sœur, lui aussi.
Alors il fait de son mieux, avec ses petits mains et ses gâteaux au chocolat et ses post-it roses et ses bonbons bleus pour soutenir sa sœur et lui rappeler qu’elle n’est pas toute seule.
Et il se dit que ce n’est déjà pas si mal, quand elle lui prend un bonbon en souriant.

« Eh, tu me passes les caramels s’teuplaît ? »
« Mmmh. »

Sans lever les yeux de sa vidéo, Elise commence à chercher du bout du pied le paquet de caramels. Elle appuie un peu sur le premier paquet trouvé-« Nmh, dragibus », puis glisse son pied là où devrait se trouver les caramels. Elle lève finalement les yeux pour vérifier qu’elle a bien le bon paquet et le ramène vers elle avec le talon.

Aurore observe ses mouvements tout du long. Le paquet maintenant à portée de bras, elle ricane.

« Meuf, sérieusement ? »

Puis attrape le paquet et le cale entre son ventre et ses jambes repliées.

« Mmmh. »

Aurore lance un caramel dans sa bouche.

« Tu regardes quoi ? », elle se penche vers Elise en demandant cela.
« Un let’s play. D’un jeu d’horreur. J’ai oublié le nom. »
« Ahah, pour te mettre dans le mood d’Halloween ? »

Elle porte un caramel à la bouche d’Elise, qui l’ouvre sans poser de question et se laisse nourrir.

« Moui. Non. Je m’en fiche un peu, en vrai. »

Elle mâche un moment avant de froncer les sourcils.

« Bordel, cha colle. »
« C’est un caramel, quoi. »
« Il reshte quoi d’autre ? »

Aurore lève la tête pour scanner les paquets étalés sur le reste du lit. Plusieurs ont l’air quasiment vides.

« Y a l’air de rester encore pas mal de dragibus. Et on n’a toujours pas ouvert le paquet de bonbons bio aux fruits. »
« Ew. Il reste pas des. Des. Spaghettis ? »
« Scoubidou. On les a finis y a genre deux heures. »
« Grmbl. »

Elise se reconcentre sur sa vidéo, semblant résignée. Aurore se rapproche pour reposer sa tête sur son épaule et suivre avec elle.

« Spooky ? »
« Nan. »
« Ahah. »

Elle suit l’action pendant quelques minutes, et effectivement, ça n’a pas l’air d’être le jeu du siècle. Mais elle continue de regarder quand même. Elle est bien installée, là.
Une vingtaine de minutes plus tard, la sonnette de l’entrée retentit. Aucune des deux filles ne bouge.
Ca sonne encore.

Elise pousse un grognement.

« On devrait y aller, tu crois ? »

Aurore hausse les épaules.

« Nan, j’attends personne. Donc ça peut être que du chiant. Peut-être même des gamins là pour nos bonbons. »
« Ce n’est pas très sympa pour les enfants, quand même. »
« Pas mon problème ! »

Pour appuyer sa décision, elle abandonne l’épaule de son amie et s’allonge, le paquet de caramels sur son ventre. Elise la rejoint peu après.

« Ce sera ton problème demain, par contre. Si ce sont bien des gamins, ils sont probablement de ton quartier, et ils savent que tu es chez toi. Ils t’en voudront. »
« Qu’est-ce que j’en ai à faire ? »
« Mmmh. »

Elise, n’ayant rien à répondre à cela, se tait et ferme les yeux, laissant tomber son bras, téléphone en main.

« J’ai sommeil. »
« Moi aussi. »
« On éteint, alors ? »

Aurore fait la moue.

« Je sais pas si j’ai encore l’énergie de me lever. »
«Je ne dormirai pas la lumière allumée. »
« Urggg. »

Au bout d’une longue minute, elle se lève finalement, éteint la lumière et rejoint rapidement Elise.

« 'Nenuit. »
« Bonne nuiiiit. »

…
…
…

Dans le lointain, elles croient entendre le rire d’un enfant.

« C’est tard pour les gamins, quand même… »
« Mmmh… »

…
…
…

« Aurore… »
« Ouais ? »
« C’est trick or treat, le principe, non ? »
« Ouais… ? »
« Peut-être qu’ils auront défiguré ta maison parce que tu ne leur auras pas donné de bonbons… »
« Ah… »

Aurore décide de ne pas y penser.

(Le lendemain matin, quand le père d’Aurore rentrera, elles l’entendront crier à cause du gros « TRICK OR TREAT » peint en rouge sur la baie vitrée. Mais pour l’instant, elles ont juste sommeil, et sont trop bien installées dans le lit pour vouloir s’en préoccuper. )