Sujet: Concours n°28 - Forêt - Votes Lun 31 Oct 2016 - 12:57 | |
| Concours n°28 Forêt Vous avez été nombreux (enfin, nombreux tout est relatif ) à participer à ce concours dont le thème était Forêt. En effet, j'ai reçu 4 participations ! Je rappelle que le premier pourra gagner 200 points, le deuxième 100 points, et le dernier 50 points. Comment ? Il y a quatre participants, et seulement trois places sur le podium ? Ne vous en faite pas, car tout le monde aura son joli tampon sur sa carte fidélité ! - Participation 1:
Je n’osais y pénétrer la nuit. C’était comme un autre monde, un monde hanté, où régnaient toutes sortes de créatures nocturnes ; la végétation elle-même, qui constituait l’élément central, semblait démultipliée et menaçante. Je n’avais jamais eu le courage de vaincre ma peur. Pourtant, quotidiennement, j’empruntais ces petits chemins de terre, secs en été, recouverts d’un tapis de feuilles en automne, endurcis par la neige en hiver. Malgré que ce fût, en quelque sorte, la routine, je n’étais jamais indifférent à ce monde gigantesque et grouillant de vie, qui, malgré l’absence humaine, n’inspirait nullement la solitude. Les centaines d’espèces d’oiseaux, les milliers d’insectes, les faons et les lièvres, occupant le territoire pacifiquement, avaient quelque chose d’apaisant et donnaient presque le sentiment d’être enfermé dans une bulle où guerre, haine ou anxiété n’ont pas leur place. Souvent, le soleil, léger ou agressif, renforçait cette beauté et cette impression de sécurité extrême. Il m’arrivait de m’allonger, le dos posé contre un chêne, pour profiter de cette jouissance auditive, oculaire et même olfactive ; puisqu’il semble évident que cette bulle dénuée de ses innombrables odeurs n’aurait plus aucune valeur.
La nuit, mes cauchemars transformaient continuellement ce que l’on pouvait considérer comme mon Eden en monde terriblement angoissant. Le son de mes pas, résonnant, éveillait des créatures menaçantes qu’il m’était absolument impossible d’apercevoir ; pourtant je pouvais les entendre, je pouvais même les sentir saliver, sentir l’odeur de leur haine et de leur instinct meurtrier… Un brouillard épais s’élevait sous mes pieds nus, m’étouffait, m’empêchaient d’y voir, et me rongeait comme de l’acide, à un point tel que je finissais par hurler. Les grands arbres finissaient la besogne, me saisissaient avec leurs branches fines et sournoises, m’étranglaient, me fouettaient sans relâche, jusqu’à ce que mon corps soit aussi malléable et faible qu’une marionnette désabusée. Je me laissais faire, j’étais impuissant, mes larmes n’étaient que des gouttes dans l’océan. Au moment où mes os finissaient de se briser et mon sang de se vider, je ressentais enfin la mort comme réelle. Je m’endormais lentement et presque paisiblement…mais même cette paix, on me l’enlevait sans me laisser le temps de la ressentir, puisque je me réveillais trempé de sueur, l’air ahuri.
Or, bien que cette forêt imaginaire ne constituât qu’un royaume intérieur, je pressentais que ce côté nocturne que me présentait mon subconscient finirait par prendre le dessus sur la bulle paisible que j’avais créée pour échapper à mon angoisse quotidienne. Et cela ne tenait pourtant qu’à une chose : explorer - éveillé !- ce monde noir d’ébène pour apprendre à le connaître tout comme son côté ensoleillé, éradiquer mon angoisse, vaincre ma peur. Je m’y préparais doucement.
- Participation 2:
Elle était perdue. Elle n'avait pourtant été distraite qu'une fraction de seconde. Ce court laps de temps avait suffi. Elle avait cessé d'être attentive, et ils avaient continué leur chemin sans remarquer qu'elle n'était plus là. Et la voilà seule, et perdue.
Elle parcourut l'environnement du regard, constatant qu'elle était encerclée. Ils étaient des dizaines autour d'elle. Elle se sentait minuscule, et elle l'était à côté d'eux. Ils étaient tous pareils, ou presque. Il y en avait des gros, des plus fins, des colorés, des tordus, des bizarres, mais dans l'ensemble ils se ressemblaient tous. La panique commença à monter en elle alors qu'elle les parcourait du regard, les uns après les autres, cherchant à reconnaître un détail familier, un point de repère. En vain.
Elle se sentait acculée, dominée par toutes ces longues tiges terrifiantes qui semblaient se faire de plus en plus nombreuses, de plus en plus hostiles. La boule de terreur qui nouait sa gorge explosa et elle se mit à courir droit devant elle alors que les larmes inondaient son visage. Elle voulait s'échapper de cet endroit, elle voulait rentrer chez elle, elle avait peur, elle n'aimait pas être perdue. Ils défilaient autour d'elle, toujours plus grands, toujours plus nombreux, toujours plus inconnus et menaçants.
Et puis elle entendit son prénom. Elle se figea instantanément et regarda autour d'elle.
Dans une des allées du magasin, au milieu de la foule et de tous ces étrangers, sa maman était là. Sans hésiter, elle se précipita droit vers elle, rejoignant ses bras connus et rassurants. Alors que sa maman la soulevait pour la serrer contre elle, soulagée de l'avoir retrouvée, la panique s'estompa. Tout allait bien. Elle était en sécurité. En hauteur. La forêt de jambes ne pouvait plus l'encercler.
- Participation 3:
“Dans la profondeur de la forêt résonnait un appel, et chaque fois qu'il l'entendait, mystérieusement excitant et attirant, il se sentait forcé de tourner le dos au feu et à la terre battue qui l'entourait, et de plonger au cœur de cette forêt toujours plus avant, il ne savait où ni pourquoi ; il ne se posait pas la question mais l'appel résonnait impérieusement dans la profondeur des bois.”
L'appel de la forêt, Jack London.
Elle est allongée sur les feuilles mortes aux teintes d'un coucher de soleil. Sa peau est pâle, exsangue. Toute vie a quitté son corps adolescent, ses traits lisses et juvéniles resteront à jamais sans expression. Sa longue chevelure autrefois de la couleur du blé tendre est terne et sèche. Pas un souffle de vie ne soulève sa jeune poitrine, pas un tressaillement de la pommette ne laisse planer un doute.
Les arbres pleurent encore sa perte et recouvrent sa robe immaculée d'un tas de larmes orangées. Un oiseau ramasse le gland qu'un chêne a laissé tomber près de sa cheville d'albâtre et s'envole d'un battement d'ailes. Seul l'or des fils brodés à sa ceinture et au bas de sa jupe étincellent encore dans l'obscurité de la forêt. Les troncs puissants et les branches habiles ont camouflé l'enfant, tirant le rideau autour d'elle, comme pour lui offrir un dernier moment d'intimité.
C'est au même endroit, dans la clairière au matelas craquant sous ses pieds, que le Gardien la trouve. Il s'agenouille près d'elle, se laissant imprégner du silence de plomb qui s'est installé dès lors qu'elle est tombée là. Avec une grande délicatesse, il soulève sa nuque d'une patte et attrape l'arrière de ses cuisses de l'autre. Il a le regard mouillé, et l'air lointain. Sous son manteau brun, son cœur bat moins fort. Et de ses yeux coulent un liquide qui mouille son épaisse fourrure. Il a aimé la jeune femme, il a aimé Sylve de tout son être. Et pour survivre, il doit quitter ce qui était sa demeure, leur demeure à tous. Il doit fuir ce tombeau, cet endroit qui finira en bûcher mortel.
En tant que Gardien, l'homme à tête de loup doit protéger les siens. Il hurle à la mort, prévient les habitants de la forêt. Un écureuil cynique grimpe l'épicéa le plus proche et ricane. Peu importe où on les reloge, la mort est une malédiction qui les suivra encore et encore. Comme l'automne fait tomber le feuillage des arbres les moins endurants, ou comme le printemps fait pousser les bourgeons salvateurs, la cause de leurs malheurs est une répétition. L'être égoïste en a après eux, et il referme son piège à chaque mètre parcouru. La fuite n'est pas une solution.
Le Gardien grogne, et fait taire le révolté. Il emporte le corps frêle sur son chemin. Il la porte sur des kilomètres, jusqu'à l'endroit qui lui semble le plus propice. Il regrette qu'elle soit si jeune, et déjà perdue. Quand il la repose à terre, les feuilles ont été balayées par les vents et l'herbe verte recouvre déjà ce qui était enneigé. Les arbres fruitiers sont fiers de leurs progéniture et font le bonheur des nouveaux venus. Peut-être arriveront-ils à être heureux ici, finalement.
La bête creuse un trou dans le sol, au milieu de cette nouvelle terre. Il dépose sa truffe sur le front de la belle endormie, caresse de sa patte le visage gelé. “Reviens-nous plus forte, plus grande, Sylve. Vieillis et protège-nous comme il en est de ton devoir. Donne-nous la respiration, ouvre nos poumons.” Il enterre le corps inerte et disparaît dans les bois. “Jusqu'à la prochaine fois, je garderai ta maison, et j'empêcherai de mettre à mal ta future création”, l'entend-t-on murmurer au loin.
Bientôt, une pousse apparaît là où le corps repose. Puis, c'est un arbre qui prend sa place. Et cet arbre, du moindre de ses cheveux, pleure l'amour qui lui est interdit, pleure la sauvagerie avec laquelle on l'a détruit encore et encore par le passé. Et ses cris sont des chuchotis portés par le vent, et ses hurlements de simples bruissements.
Et quand un été, son corps est mutilé à coups de hache, elle tombe de tout son long. Enfin, enfin, elle va retrouver son Gardien.
- Participation 4:
Les petites gouttelettes d'eau qui lestaient mon pelage humide fusent, propulsées dans l'air frais du matin par mon ébrouement. Je redresse mon petit corps engourdi, la tête dressées et les yeux écarquillés, pour balayer les alentours du regard ; la lumière blanche et crue du soleil sous les nuages me fait plisser les paupières. Elle se perd dans le résidu de brume qui persiste près du sol, à une dizaine de mètres sous mes pattes. L'odeur de l'humus me prend aux narines et noie toutes les autres, exacerbée par la brise porteuse d'humidité qui soulève les feuilles mortes en contrebas dans un doux bruissement.
Je m'élance le long du tronc noueux qui m'abrite durant la nuit, filant à la verticale vers le tapis de feuilles rouges, les griffes solidement plantées dans l'écorce. Un bond, et je me réceptionne au sol dans un froissement étouffé. La forêt est si différente sous cet angle ; tout est noyé dans la brume, et les arbres apparaissent devant moi au fur et à mesure de ma course. Je frôle des fougères encore perlées de gouttes, je bondis au-dessus de troncs couchés couverts de mousse, j'évite de gros rochers éparses colorés d'orange et de jaune par des lichens.
Je m'arrête quelques instants pour reposer mes poumons qui me brûlent, malmenés par ma cavalcade. Je suis dans une clairière, je crois...
De grandes formes sombres déambulent dans l'air cotonneux tout près de moi ; leurs membres gigantesques pilonnent le sol avec élégance. Je voudrais observer plus avant cet titans délicats, mais j'ai peur de les approcher, impressionné par leur gigantesque masse indistincte. Je me réfugie dans un chêne tout proche : il est plus grand qu'eux, ça me rassure...mais lui, il ne bouge pas, ou à peine ; il ondule sous les assauts du vent qui ébranle ses branches les plus fines. Je monte le plus haut possible le long de l'arbre, et j'en atteins presque la cime, qui ploie à peine sous mon poids. Je contemple le paysage devant moi, au dessus, en dessous, partout.
Les arbres, pas encore tout à fait dégarnis, forment tous ensemble un océan de feuilles écarlates ; ou alors, c'est l'idée que je me fais d'un océan. Au dessus de moi, si proches, les nuages recouvrent le ciel la forêt comme une épaisse coupole cotonneuse. Finalement, en haut ou en bas, ce sont les même couleurs. Du blanc, du orange, du rouge, à perte de vue ; ça n'a pas toujours été ainsi, mais j'ai du mal à me souvenir…
Je me sens si petit d'un coup, perché en haut de mon arbre. La forêt est un immense labyrinthe trichrome, maintenant, plus ce bois joyeux et coloré que j'ai connu ; même moi, je me fonds dans les tons alentours. Un vent froid transperce ma fourrure et m'arrache un frisson. Je me dresse en équilibre sur mes pattes arrières, truffe dressée vers le ciel. La brise a une odeur de neige : l'hiver arrive, sûrement.
Voilà, je vous laisse lire et apprécier la qualité des textes, le choix sera dur, mais il va bel et bien falloir choisir ! Et vous avez jusqu'au 6 Novembre pour voter. Vous pouvez également poster des commentaires pour crier votre amour de l'éciture, ou alors tout simplement me suggérer des thèmes que vous voudriez voir apparaître au sein des concours d'écriture. Et toi, Invité quel texte aimes-tu ? |
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