« Quelle gamine respectueuse, tu es. » Le jumeau de ta grande amie avait ouvert la porte et après que tu aies poliment demandé si Alice était en haut alors que tu savais très bien que c'était le cas. Gabriel t'avait fait un sourire narquois, se moquant visiblement de ta politesse, toujours timide malgré le fait que tu le connaisses depuis presque toujours. Sa voix avait été moqueuse et tu affichas une mine boudeuse avant de passer devant le jeune homme qui s'était déplacé pour te laisser passer. Tu sentis le regard de Gabriel te suivre et tu te sentis rougir furieusement. Tu te hâtas de monter les escaliers. Respectueuse. Étais-tu respectueuse? Alice t'avais dit, une fois, que le respect était le fait de voir tout le monde de façon égale et de ne voir aucune hiérarchie. Voyais-tu Alice au même niveau que tu te voyais toi-même ? Non. Non, ce n'était le cas. Alice était trop gracieuse, charismatique et intelligente pour qu'elle soit au même niveau que toi. Elle était au-dessus de toi. Autant que Gabriel et ses deux meilleurs amis, l'un aussi intelligent que l'autre, Gus et Isaac. Ils étaient tous tellement intelligents. Et charismatiques. Et incroyablement géniaux. Non, décidément, pour toi, ils n'étaient pas des égaux. Tu étais en dessous. Tu étais, chaque jour, émerveillée de leur présence. Du fait que tu faisais pratiquement partie de cette famille. Du fait que tu savais quelques secrets d'Isaac. Du fait que même si Isaac n'en savait rien il était un meilleur ami pour toi et que tu pouvais profiter de sa présence, de son amitié. Du fait que Gus était vraiment incroyable à tes yeux et que tu aurais donné tant pour être considérée comme une amie à ses yeux et que tu pouvais profiter de son intelligence et de ses réflexions. Du fait qu'Alice, elle, te voyait comme égale à elle. Oui. Alice te respectait. Du fait que tu pouvais, silencieusement, éprouver des sentiments non-programmés pour Gabriel. Gabriel aussi te respectait. Gus probablement aussi malgré ton idiotie et ta maladresse. Isaac aussi. Tous te respectaient. Et tu n'étais même pas capable de leur renvoyer. Parce que ainsi, même si tu ne te voyais qu'en dessous d'eux et pas au-dessus, tu ne leur donnais pas de respect. Le respect d'être considéré comme égal à autrui. Un sentiment de culpabilité et de malaise monta en toi. Tu respiras lentement pour reprendre contrôle pour réprimer l'angoisse nauséeuse qui montait en toi. Alice ouvra la porte soudainement et te regarda interloquée.
« Qu'est-ce que tu fais là? Entre, entre. » Elle ne remarqua pas ton malaise. Elle te fit entrer dans sa chambre. Tu entendis le clac de la porte et tu effaças tes dernières pensées de ton esprit pour te focaliser sur ce qu'Alice racontait avec joie. Tant qu'ils ne connaissait pas ton incapacité à leur montrer le respect qu'il te montrait cela n'avait rien de grave. Tu avais le droit. Ce n'était pas de ta faute. Tu avais vainement essayé. Tu essayais de persuader de ton innocence avec des mots ridiculement puérile. Pourtant tu les aimais et aucun manque de respect de ta part ne changerait cela. Parce que, malgré tout, tu les admirais. C'était cette admiration, trop grande, qui avait mis en valeur le mépris et la répugnance que tu t'inspirais étaient à l'origine de cette incapacité. Un sourire triste traversa ton visage et tu te promis, d'un jour réussir à leur offrir le respect qui leur revenait de droit. Respectueuse. Respect. Des mots si incompréhensibles et si estimés. Tu étais bien trop stupide pour en comprendre le sens ou ce que tu devais en faire.

Coucou, toi, petite fille innocente.
Que dis-je ? Tout cela n'est que mensonge...
Tu me semblais tellement attirante
A chaque fois que tu jetais l'éponge.

Je voulais te voir heureuse, t'aider
A retrouver ta joie, ton doux sourire.
Je voulais te réconforter, t'aimer,
Etre là jusqu'à ton dernier soupir.

Je n'avais pas compris ton petit jeu.
J'étais fou de toi, j'étais amoureux,
Puis j'ai compris que tout n'était qu'un mythe.

Je veux te supprimer de ma vie, p'tite.
Oublie-moi. Fais-le. Respecte mon choix.
Fais c'que tu veux, mais reste loin de moi.

Ton innocence, à jamais emportée par le vent, ne pourra plus cacher ta seconde nature.
Ton doux visage me paraît à présent démoniaque.
Tu m'as menti, tu m'as trahi, tu as gâché ma vie.

Ne dis pas ça, je t'en supplie, petit.
Je suis désolée, mais je ne peux pas.
T'oublier serait commettre un délit,
Je refuse de respecter ton choix.

Pardon d'avoir été si égoïste...
Je devais te cacher la vérité
Mais je ne voulais pas te rendre triste...
Vraiment, mon petit, je suis désolée.

Si je te dis que j'ai pleuré, pour toi,
Pendant des mois, en ne pensant qu'à toi.
Ne me méprise pas. Respecte-moi,
Respecte ce que j'éprouve pour toi.

Tu me manques énormément, tu le sais.
Continue de m'ignorer, oui, explose.
Je te retrouverai, je t'aimerai.
Je prendrai soin de toi comme une rose.

« Je t'aime malgré tout, tu le sais déjà ».

Le jeu commence. On hurle, et c’est le signal du départ. Tu as très peu de temps pour t’habituer, te lancer dans la partie. Au début, tu seras faible, mais beaucoup de monde sera là pour t’aider. Au bout d’un moment, tu commenceras à être laissé de côté par ceux qui auront été tes alliés. Ils voudront que tu puisses jouer seul, que tu parviennes à faire rouler les dés. Il faudra bien sûr que cela tourne en ta faveur.

Puis tu rencontreras d’autres gens. Vous formerez une équipe. Certains t’abandonneront, certains te trahiront, mais d’autres resteront à tes côtés. Ils te montreront leurs cartes, et tu en feras de même. Ce sont les règles à respecter si tu veux les garder auprès de toi.

Voilà une petite chose que l’on avait oublié de préciser, justement : en cas de triche, tu es éliminé. C’est systématique ; tu ne joues pas selon les règles, tu dégages. Si tu essaies d’être plus malin que les autres, c’est ton choix ! Mais s’il s’avère que tu n’y parviens pas, et que tu es stupide, c’est perdu. Cela dit, il y a des règles qui peuvent jouer en ta défaveur, et nous en sommes vraiment navrés. Tu peux te faire éliminer du jeu à cause de maladresses de tes alliés. Tu peux être évincé par un de tes ennemis qui aurait agi sournoisement. Et même s’il est interdit de se débarrasser de ses adversaires de la sorte, une fois que tu es hors-jeu, tu ne peux plus y revenir. Tu nous en vois bien affligés.

Mais revenons au jeu. Toi et ton équipe, vous grimperez les niveaux avec plus ou moins de facilité. Il faut avouer que, plus ton équipe est large, plus il y a de chance que vous y arriviez plus vite. Mais il y a également plus de chances que tu sois trahi. Une équipe plus resserrée semble être le choix stratégique idéal ; vous avancerez ensemble lentement, mais sûrement.

Et par la suite, à un moment donné, les vraies difficultés apparaitront. A nouveau, tu seras seul. Il faudra te trouver un quartier général, et faire attention à ne pas oublier tes anciens partenaires ; ils pourraient revenir plus tard. Pendant quelque temps, tu devras avancer seul dans le jeu. Tu rencontreras quelques alliés potentiels, et peut-être que tu seras blessé s’ils te laissent. Mais tu finiras par trouver un complice qui restera avec toi jusqu’au bout. Il est assez probable que vous terminiez le jeu ensemble, d’ailleurs. Peut-être même que vous aiderez des débutants à commencer le jeu également ? Leur partie à eux aussi commencera par un cri. Ils seront faibles, et ce sera à votre tour de les aider à aller le plus loin possible.

Et puis un jour, tes alliés les plus anciens finiront par quitter la partie. C’est assez triste, mais c’est un élément essentiel du puzzle. C’est ainsi que cela fonctionne. Même si vous respectez les règles jusqu’au bout, sans faire la moindre petite infraction, vous finissez par être éliminé. D’autres viendront bientôt prendre votre place sur le plateau, et les dés rouleront. Les pions grimperont les échelons jusqu’à ce qu’ils atteignent la case finale. Puis c’est terminé.

Mais ne t’inquiète pas, tu as encore le temps de jouer. Nous aimerions que tu joues en respectant les règles les plus importantes, et en transgressant parfois les autres. Car s’il est primordial de respecter certaines consignes, le jeu est bien plus amusant si l’on fait fi des autres instructions ! Oui, c’est ce que nous attendons de toi pour ce jeu. Amuse-toi. Lie ta partie à celle d’autres personnes. Même si c’est un peu difficile parfois, tu ne pourras en ressortir que grandi. Et si tu as la malchance de tomber sur un mauvais chemin, un mauvais destin, j’espère que tu crois en la réincarnation. Oui, tu mériterais une seconde chance.

Allez, dépêche-toi ! Prépare-toi ! Et surtout n’oublie pas les règles ; ta partie va commencer ! Au début, tu verras, il y aura des sourires, des cris. Ces cris seront les tiens. A la fin, nous espérons que toi aussi tu souriras, en poussant un dernier soupir. Nous l’espérons vraiment.

Après tout, c’est ainsi qu’il faut jouer au jeu de la vie.

Connaissez-vous l'histoire de René? Ce vieil homme que vous voyez tous les jours à la sortie de l'école . Savez-vous pourquoi il est là? Pourquoi il est toujours seul et triste? Connaissez-vous au moins son nom? Non.
Alors, au lieu de le juger, de vous moquer de lui sans cesse, réfléchissez un peu. C'est un humain comme vous et moi. Il n'est pas sourd à vos moqueries. Au contraire, il entend tout, il voit tout.
Mais il ne vous déteste pas. Il vous comprend. Il se dit que vous n'êtes que des gamins, qui ne connaissent pas encore la vie. Des gamins qui se croient tout permis, qui croient savoir tout connaître.
Mais avant de le juger, connaissez-vous au moins ce qu'il a vécu? Son passé, ses douleurs et ses peines, ses moments de joie aussi.
Il a connu bien plus de souffrance que vous.
Chaque matin quand il se réveille, il pleure. Il regrette chacun de ses gestes, de ses paroles.
Il aimerait bien venir vous voir et vous parlez. Quand il vous voit, il repense à elle et cela le blesse.
Mais il vient quand même, tous les jours. Il espère qu'elle reviendra un jour, cette petite fille qu'il a blessée.
C'était une petite fille comme vous est moi. Mais tout le monde se moquait d'elle. Elle était seule et triste. Personne ne voulait d'elle.
René aussi se moquait d'elle.
Et depuis il regrette. Il a toujours voulu reprendre contact avec elle, lui parler et s'excuser. Mais il n'a pas pu. Le temps est passé et la petite fille a disparu.
Le remords demeure dans son cœur et il ne peut rien faire pour le faire disparaître. Peut-être suffirait-il simplement que vous lui souriait.
Rien qu'un sourire, rien qu'un geste, qu'une parole pour soulager sa peine, mais c'est trop dur pour vous qui ne voyez rien
Alors respectez-le au moins. Respectez son passé, car un jour vous aussi, vous regretterez de ne rien avoir fait pour lui.