Sujet: Concours n°17 - Trahison - Votes Lun 30 Nov 2015 - 7:30 | |
| Concours d'écriture n°17 Trahison Alors, c'est magnifique les amis nous avons six participations. Oui, j'ai bien dit six, vous ne rêvez pas. Alors, sans plus attendre, découvrons ce qui se cache derrière les spoilers et votons ! - Participation 1:
Trahison. Vous savez, V. et moi, nous nous connaissons depuis toujours. Nous sommes pratiquement nées ensemble, nous avons grandi ensemble. Nous avons partagé nos rires, nos pleurs, nos inquiétudes, nos douleurs, nos rêves et nos souvenirs. Tout est lié entre nous. V., c'est surement celle qui m'est la plus précieuse en ce monde. V., je sais pertinemment qu'elle sera la dernière à me quitter. Elle sera là sur mon lit de mort, j'en suis persuadée. Parce que V., c'est ma V., la seule, l'unique. L'irremplaçable... Et pourtant, parfois, j'ai l'impression que plus rien ne va. Trahison. Comme si les promesses de V. n'étaient que mensonges. Trahison. Comme si je n'existais plus, comme si je n'avais jamais existé, comme si je n'étais rien à ses yeux. Je crois... que V. n'a jamais éprouvé le moindre sentiment pour moi. Trahison. Trahison. Trahison. (Et qu'on m'ôte ce couteau !) J'ai mal, j'ai tellement mal. Ma V. me poignarde en plein coeur, elle me brise en un instant et me laisse gésir sur le sol, dans une mare de sang de larmes, l'air indifférent. Pas le moindre regret. Pas la moindre compassion. Trahison. Elle me regarde sombrer, couler seule dans un gouffre sans fin. Trahison. Je me noie. Je me noie, et la seule capable de me sauver ne m'adresse ni le moindre mot, ni le moindre regard, pas un seul signe d'attention. Trahison. La haine s'empare de moi. V. me fait peur. J'ai peur qu'elle cesse de m'aimer, qu'elle me fasse du mal. J'ai peur que V. s'en aille. Loin, si loin... TRAHISON. Vous savez, j'ai perdu V. Elle m'a trahie, c'est fini, nos rêves de bonheur ne se réaliseront jamais. Après tant de disputes mêlées de cris et de larmes, nos chemins se sont finalement séparés. Oui, j'ai perdu V., celle que j'aimais plus que tout. Celle sans qui le verbe « vivre » n'a plus de sens. Celle sans qui le monde n'a pour moi plus aucun intérêt. J'ai perdu V... Ma V. La V. Mais je crois que je me suis trompée. Ma petite V. a été la dernière à me quitter, comme elle me l'avait promis. Et je regrette de l'avoir haïe jusqu'à la fin... Car quand j'ai tué V., ma Vie s'est envolée.
- Participation 2:
1. « Ceci n’est pas une pipe. »
2. ▬ Tu l’aimes ce tableau ? ▬ Pas vraiment. Je préfère les tableaux plus anciens, plus classiques. ▬ Lequel par exemple ? ▬ L’arrestation du Christ. ▬ …Le Caravage ? ▬ Évidemment. ▬ Il sied au contexte. ▬ Ce n’est pas un hasard. ▬ Rien ne l’est jamais avec toi.
Iago observait avec émerveillement la silhouette immobile de Tarpeia. Si sa peau n’était pas si douce au toucher, si son parfum ne se répandait pas avec délice, si ses yeux ne brillaient pas sur le monde avec tendresse, il aurait été aisé de la confondre avec une sculpture hyperréaliste de Mueck. Elle demeurait silencieuse, contemplant l’œuvre, l’analysant sous toutes les coutures comme si elle y décelait un secret qui pourrait changer sa vie. Pourtant, dès lors que ses iris smaragdins décrochèrent du tableau, elle se dirigea sans un mot vers un autre.
▬ Pourquoi venir ici ? ▬ Les musées sont de merveilleux endroits, non ? ▬ Tu sais que ce n’est pas ce que je te demande. Pourquoi venir ici avant ton Jugement ? ▬ Parce qu'ainsi, j'aurais une véritable banque de souvenirs. De merveilleux souvenirs d’une vie dont je n’ai pas pu profiter. Je me rappellerais de mon Jugement comme étant le jour où j’ai, pour la première fois, pu venir dans un musée. C’est amusant, non ? Que d’être aux marches de la mort pour accomplir un de ces derniers souhaits.
Il la vit sourire, l’air amusé, parfaitement détendu. Elle le vit anéanti, l’air bouleversé, parfaitement conscient de ce qu’il allait advenir d’elle. On ne pouvait décemment point violer la Déclaration de Mérovée. Elle le savait, depuis le début, elle savait que ses crimes ne pourraient demeurer impunis. Quand elle eut fini de faire le tour de la pièce, elle s’arrêta longuement devant la porte menant à l’extérieur. Tarpeia connaissait parfaitement le paysage qui s’allongerait devant ses yeux. Un spectacle qu’elle n’avait décemment pas le courage de voir après avoir été éblouie par ces tableaux vétustes, si réels. Elle jeta un dernier coup d’œil en arrière, cherchant en ces œuvres éternelles la bravoure qui lui faisait défaut.
3. Tout le long du chemin, la condamnée resta de marbre, murée dans un silence que même les questions d’Iago ne parvenaient à briser. Dans le véhicule qui roulait tout seul à une vitesse faramineuse, elle posait ses yeux sur ce paysage irréel. Des buildings plus hauts que le ciel noir de pollution, des voitures au-dessus, en dessous, des affiches de publicité immenses qui se mouvaient régulièrement, de la lumière artificielle partout. Quand ils furent enfin arrivés devant le Congrès, Tarpeia sentit ses mains se serrer dans son dos; Iago venait de lui passer des bracelets électroniques pour qu’elle ne puisse commettre aucun nouvel acte répréhensible. Mérovée apparut sur la place publique du Jugement. Souvent hué, parfois respecté. Sa voix calma les acclamations divisées.
▬ Mlle Tarpeia Flynn, vous passez en ce jour au Jugement pour Haute Trahison envers votre Gouverneur, votre pays ainsi que tous ses habitants. Les accusations retenues contre vous sont la tentative de renversement du pouvoir établi par votre idéologie dépassée, la mise en place d’un groupe révolutionnaire nommé par vous-même et l’envoi d’armes ainsi que d’informations à des contrées avec qui notre nation demeure en conflit. Niez-vous ces accusations ? ▬ Non. ▬ Avez-vous quoi que ce soit à dire pour votre maigre défense ? ▬ Cela servirait-il à quelque chose ? Vous me jugez déjà comme étant une traîtresse. ▬ Vous avez trahi votre nation par des actes extrêmement graves et qui, vous le savez, représentent la peine maximale. ▬ Plus que tout, j’ai défendu les valeurs perdues d’une nation qui ne sait plus où aller ! ▬ Hérétique ! Vous pensez faire la paix en aidant nos ennemis, vous croyez prêchez le bien quand vous ne cherchez qu’à blesser. Vous allez faire tuer des pauvres innocents qui vous ont suivi les yeux fermés, les membres de votre secte démente. ▬ C’est vous le traître. Vous qui vous êtes emparé du trône sans aucun droit. Vous qui avez détruit cette ville. Vous qui avez établi ces lois. Vous opprimez votre peuple, le laissez mourir de faim alors que vous êtes là, dans votre antre, à vous gaver d’oisiveté. Ce n’est pas moi qui devrais être jugée pour Haute Trahison, c’est vous !
Mérovée ne parut pas touché par les mots de la coupable et esquissa un sourire cruel. Devant la foule d’opprimés, de révoltés qui cherchaient à défendre une héroïne déchue, il ne fut que plus satisfait d’émettre le Jugement.
▬ Mlle Tarpeia Flynn, pour votre crime de Haute Trahison, vous êtes condamnée au supplice des Damnations Éternelles. Votre âme sera à jamais torturée, comme vous le savez, via une simulation électronique de génération 16.2 ne pouvant dès alors plus accéder au repos bienfaiteur et ce, pour les siècles à venir, sans aucune restriction de temps.
4. « La trahison n'est qu'un mot inventé par les hommes pour confondre leurs frères qui ne pensent pas de la même façon qu'eux. »
- Participation 3:
« Et tu sais, il y avait cette fois où il... »
Arrête. Arrête, s’il te plaît. Tu me parlais déjà de ton ami hier. Et avant-hier. Et le jour d’avant.
Je ne peux pas juste te dire « j’en ai marre, arrête », parce que ce serait horriblement égoïste de ma part et je ne veux pas te blesser et je ne veux pas que tu arrêtes de me parler. Mais... Mais tu peux me parler du dernier livre que tu as lu si tu veux. De comment tu as pleuré en le lisant, parce que tu pleures toujours en lisant. Tu peux m’en parler pendant des heures. Ou me montrer ce nouveau jeu que tu vois sans arrêt sur tumblr ces temps-ci. N’importe quoi, je m’en fiche.
Tout sauf ça.
Je suis affreuse, je le sais. Mais je ne veux plus entendre parler de ton ami. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, non, je ne le connais pas, je ne peux pas porter de jugement. Mais tu as l’air tellement heureuse quand tu parles de lui. Je ne crois pas que ce soit de l’amour, non. C’est juste un très bon ami. Et ça me fait justement peur.
Nous passons tellement de temps ensemble. En fait, je crois que je ne parle presque qu’à toi, de toute la journée, de toute la semaine. En-dehors de ma famille, bien entendu. Tu es une amie très chère pour moi et au fond de moi je t’appelle ma meilleure amie, sans savoir si tu me considères comme telle. Mais, je pense que tu tiens à moi. Il m’est déjà arrivé de te faire part de mes insécurités à propos de notre amitié. Et tu me répondais que toi aussi tu m’aimais beaucoup et que je comptais énormément pour toi. Ça me faisait tellement plaisir...
Je crois que tu étais la personne en qui j’avais le plus confiance, tu sais. Je me disais « elle ne me laissera jamais, parce que je compte pour elle, elle ne me remplacera pas ». Mais, plus tu parles de lui, plus je me rends compte que je me suis fourvoyée. ... J’ai dû faire quelque chose, c’est certain.
Quelque chose qui a fait que tu en as eu assez de moi.
Quelque chose qui a fait que tu as eu besoin de la compagnie de quelqu’un d’autre.
C’est surement ma faute. Ça l’est toujours, après tout. Je dois lasser les gens, sans doute. Je ne pense pas les blesser, sinon ils ne me parleraient plus du tout. Mais il arrive toujours un point où ils vont vers d’autres. Où ils me laissent de côté.
Cette fois encore, j’ai cru que ça marcherait.
Cette fois encore, je me suis trompée.
Je...
Je suis désolée.
Je suis désolée d’être moi.
D’être ce moi qui fait que tu ne peux pas rester.
D’être ce moi qui fait que tu as fini par trahir ma confiance.
Pardon.
- Participation 4:
Les lampadaires sont encore allumés. L'air est frais et je me sens légère. Bon, d'accord je me sens pas mal embrumée et j'ai un mal de crâne qui s'annonce mais cela n'empêche que j'ai l'impression de flotter et d'avoir l'esprit clair. Je répète la phrase que j'ai déjà prononcée juste après ce que cela arrive et la réponse qui fuse est la même. J'ai vraiment merdé, hein? Ah ça tu peux le dire. La culpabilité m'étouffait dans l'atelier mais à présent que je suis dehors, qu'il est loin je suis libre et tu perds tout ton pouvoir. Les différents stands du marchés sont en train d'être montés. Prise d'une envie, j'indique à cette fille, qui ne sait pas à quoi elle a assisté, que je veux m'acheter une pomme. La pomme est délicieuse. Aussi délicieuse que l'atmosphère crée par ce ciel sombre qui s'éclaircit au fur et à mesure que le jour se lève. Nous passons à côté de la maison de mon homonyme. Si elle savait, si elle savait. Son petit ami qui pourtant lui est fidèle depuis des mois a été à deux doigts de faillir à sa fidélité. Ou a failli à sa fidélité, tout dépend de la définition du mot tromperie. Pauvre fille. Elle est folle de lui. Lorsqu'elle apprit qu'il l'avait trompée à plusieurs reprises, elle s'excusa. Parce qu'il est clair qu'il l'a beaucoup trompée. Il aime jouer avec les filles afin de remonter son égo et de combattre cette haine qu'il se voue. Je peux au moins fièrement dire que je ne fais pas partie de cette catégorie. Moi, il m'adore et il me désire. Je le frustre aussi, parce que je suis une des seules filles qui ne tombe pas pour lui, lorsque je l'embrasse je lui explique que j'en aime un autre. Je ne le trouve pas beau, pas incroyable et je lui dis. Je suppose que c'est la seule chose dont je peux être fière dans cette histoire. Parce que ce n'est pas la première fois. Lui et moi, cela arrive toujours. Encore et encore. Et on le sait. C'est inévitable. La dernière fois, on avait dit que ce serait la dernière fois. La fois d'après aussi. Je suppose que cette fois, c'est la même chose. Sauf que cette fois quelque chose a changé. Il y a eu un témoin. Une fille qui l'a vu tromper sa petite amie. Une fille qui m'a vu te trahir. Cela ne change rien au fait que cela va se reproduire. Cette trahison, tu supposes que c'est la dernière mais je sais que ce n'est pas le cas. Ça fait parti des trucs que je ne te dis pas ça. Tu ne le sais pas. Je t'ai dit que je l'avais embrassé. J'ai provoqué en toi un complexe d’infériorité et de la jalousie. L'embrasser n'a pas suffit à te faire avouer ta jalousie alors j'ai bien du aller plus loin, non? De toute façon j'en avais envie. J'avais envie de lui mais plus important et surtout plus malsain, j'avais envie de te tromper, de te trahir, de te faire du mal. Je voulais que tu réalises que je ne suis pas tienne, que d'autres personnes que toi me désirent. Je t'ai prouvé que cela ne s'arrête pas aux garçons. Tu te souviens de l'amie lesbienne dont je te parle régulièrement, tu le sens quand j'en parle non? Je serai tout à fait capable de te trahir avec elle. Lorsque je t'ai raconté que l'on s'était embrassées tu as été jaloux. Jamais tu ne l'avoueras mais on le sait tous les deux, non? Tu as sous-entendu que je lui plaisais. Je t'ai ri au nez. Mais que racontes-tu mon cher ami? Je veux que tu sois tellement jaloux que tu réalises que je serai celle qui partira. Que tu seras celui qui me regrettera et que ça ne sera pas l'inverse. Détrompes toi je t'aime. Je t'aime tellement que cela me rend folle. Je suis morte, je suis une mort-vivante en manque de sérotonine. Tu es ma source de sérotonine. Je suis littéralement dépendante. Je t'aime aussi de manière un peu plus saine, tu sais? Tu m'inspires de la tendresse et de l'amour tout doux comme de la barbe-à-papa qui ne serait pas collante. Mais je ne peux m'empêcher de te trahir. Quand réaliseras-tu que ces trahisons sont un reproche que je te balance à la gueule? Quand te rendras-tu comptes qu'à chaque fois que j'embrasse quelqu'un d'autre que toi, le sous-entendu est tu n'étais pas là, tu ne m'aimes pas assez. S'il-te plait coupe court à ces trahisons sans fin, je t'aime. Je vais le revoir bientôt tu sais. Et même si je ne le revois pas, j'ai réalisé que j'ai charmé sans même m'en rendre compte un ami à nous avec l'intention de te tromper, de te trahir, de te détruire. Alors s'il-te plait. Dis-moi que tu m'aimes, que cela t'insupporte qu'autrui me touche. Pourquoi es-tu incapable d'exprimer la douleur que t'infligent mes trahisons?
- Participation 5:
Ça sent le cramé. De toute façon j'ai pas faim. Un message. Je sursaute. Ça ne me fait pas cet effet à chaque fois. Si c'est elle qui me dit de m'occuper de ma bouffe, je crie. Très fort. Je regarde. C'est pire que ça. Je me met à rire grassement. J'aime bien, ça occupe l'espace. Je ne devrai pas rire. Je ne devrai pas faire un tas de choses. Je balaie ce sentiment de culpabilité d'un deuxième rire. Je n'ai plus d'ordres à recevoir d'elle. Je me sens con de dire ça, comme ça. Qu'est-ce qu'il m'arrive? D'habitude, ça ne me fait rien. D'habitude je sursaute pas. Je refuse de dire que c'est parce que c'est un jour spécial. Il n'y a pas de jour spécial. Je regarde son message une deuxième fois. Je ne veux pas avoir pitié. Je ne veux pas qu'elle ai pitié. Je détourne le yeux. Mais j'appuie sur le lien qu'elle m'envoie. Je ne veux pas regarder. Je veux? Je ne sais pas, et je me sens bête de ne pas savoir, d'avoir cliqué, de vouloir regarder, de ne pas vouloir, de ne toujours pas savoir, de me sentir bête. Je regarde. C'est une vidéo. J'aurai préféré en finir directement. Maintenant j'hésite à appuyer. Compromis. J'appuie mais je ne regarde pas. J'entend juste. Je me lève. Je me bouche les oreilles. Je ne veux pas savoir. Je vais marcher. J'ai vite fait le tour de l'appartement. J'y retourne. Je retire mes mains de mes oreilles, lentement. Je m'entend parler. Je cours, dérape sur le sol, me fait mal. Il faut que je fasse taire ce téléphone de malheur. Je me relève et y parvient. Trop tard. Je sais ce qu'elle voulait me dire. Ça me fait tout drôle. Je me lève. Il faut que je m'occupe de ma quiche cramée. Je peux pas m'empêcher de penser que si elle m'a envoyé ça c'était uniquement pour que je le fasse. Mais je le pense pas vraiment. Ou plutôt si, je le reçois comme une pensée extérieure, celle que j'aurai eu si je ne m'étais pas levée. Je ne veux pas y réfléchir. C'est ce qu'elle voulait que je fasse. Elle a réussi son coup. Sa dernière chance de me faire bouger. Ah ouais. Elle est cramée cramée. Pas juste un petit peu cramée, ou cramée tout court. Bah, ça va pas m'empêcher de la manger. C'est pas comme si j'avais le choix. Je retourne m'asseoir. Je regarde la vidéo, sans détourner les yeux, sans me boucher les oreilles, sans me mentir, en mâchouillant mon bout de caoutchouc. C'est fou ce que je suis chou, en fait. Je ris, bêtement. Je lui en veux toujours. J'ai envie d'oublier tout ça. Je me regarde et j'ai du mal à me reconnaître. Aujourd'hui, dans la vidéo. Ce sont comme deux extrême. Je ne sais plus où je veux être, où je devrai être. J'ai tout raté, je le sais. Je m'y suis fait. Maintenant c'est comme si tout me revenait à la figure. Je repasse la vidéo en boucle. Elle ne dure pas longtemps. C'est une simple discussion le jour de mon anniversaire, il y a des années. J'ai l'impression qu'elle me parle, la moi petite. Qu'elle me dit de me bouger, d'une manière très mignonne mais brutale. J'avais des rêves, je le sais. Et maintenant? Je ne sais pas quoi lui répondre. Il n'y rien à répondre. J'ai tout gâché. Je l'ai trahie.
- Participation 6:
Manon avait 13 ans quand cela avait commencé. Au début, ce n'était presque rien. Des remarques, quelques moqueries, des insultes dissimulées en blagues. Rien que des mots, en apparence inoffensifs. Les adultes n'y voyaient rien d'anormal ou d'alarmants. Puis les insultes se firent plus évidentes, plus ciblées, plus blessantes. Les moqueries devinrent des humiliations, de plus en plus fréquentes, jusqu'à en devenir quotidiennes. L'école s'était transformé en enfer, et la peur lui nouait le ventre chaque matin, pour laisser place à la honte chaque soir. Personne ne semblait remarquer quoi que ce soit, personne n'intervenait. Personne, sauf Jessica, sa meilleure amie depuis l'enfance. « Il faut que tu le dises à quelqu'un. » « Non. » « Mais tu as besoin d'aide. » « Non, je peux gérer. Je ne veux pas que les gens sachent alors n'en parles à personne. » « Mais... » « Promets-le moi ! Promets que tu ne diras jamais rien ! » « D'accord. Je te le promets. » Manon ne voulait pas que l'on sache. Elle avait honte, elle était convaincue que si elle subissait ça, c'était qu'elle le méritait, qu'elle avait fait quelque chose pour que ça lui arrive à elle. Elle ne le supporterait pas si on le découvrait. Les choses empirèrent. La violence se joignit aux mots, pourtant déjà bien cruels et destructeurs. Une bousculade dans le couloir. Un élève qui lui marchait "accidentellement" sur le pied en classe. Des croches-pieds. Son voisin de derrière qui lui tirait les cheveux. Les coups de poings dans le ventre quand aucun professeur ne regardait. Plusieurs fois par jour, encore et encore. Et puis surtout, les vestiaires du cours de sport, sans surveillance. Les moqueries, les rires, les vêtements cachés ou jetés dans les toilettes. Jusqu'à ce jour-là, où tout avait dégénéré. Manon ne se rappelait plus des détails, elle se souvenait juste des rires, des coups, de ses supplications. Du sang. Du choc de sa tête contre le mur, juste avant que tout ne devienne noir. C'était Jessica qui l'avait retrouvée, inquiète de ne pas la voir à la sortie des cours. « Ça suffit maintenant, tu dois les dénoncer ! » « Non ! » « Elles t'ont laissée inconsciente et seule. Ça aurait pu être très grave ! » « Mais ça ne l'était pas ! » « Et si ça l'était la prochaine fois ? Ou la suivante ? Ça n'arrêtera pas tu sais... » « Ce sera pire si on le dit ! Je ne veux pas que tu en parles, tu me l'as promis, tu me l'as promis...» « Je sais. Je ne dirai rien. » Quelques jours plus tard, alors qu'elle rentrait chez elle après les cours, Manon découvrit ses parents qui l'attendait, l'expression grave. Ils n'étaient pas seuls, il y avait aussi les parents de Jessica. Et tout au fond de la pièce, Jessica. Les regards des deux amies se croisèrent. Celui de Jessica demandait le pardon. Celui de Manon était accusateur, perdu, blessé. Elle l'avait trahie. « Je ne te le pardonnerai jamais. » C'était ce qu'elle lui avait dit. Les jours suivants avaient été horribles. Raconter, expliquer, détailler, dénoncer. Les parents de Manon l'avait finalement changé d'école. Il lui fallu longtemps pour se reconstruire. Une année s'écoula, et Manon retrouva une vie normale, heureuse, insouciante. Dans une nouvelle école, avec des nouveaux amis, un suivi psychologique et un encadrement plus sécurisant. Un an jour pour jour depuis que Jessica avait tout raconté à sa place. Depuis, elle n'avait plus eu de nouvelles. Au début elle n'en voulait pas, et puis la vie avait fait qu'elle reportait toujours, que cela ne se mettait pas, que c'était compliqué. Elle avait aussi peur de replonger dans son ancienne vie. Mais ce jour-là, elle prit son courage et composa le numéro de téléphone de son amie. « Allô ? » « Merci. » Jessica ne l'avait pas trahie. Elle l'avait sauvée.
Bonne lecture à tous ! ♥ Vous avez jusqu'au 6 décembreEt toi, Invité, tu votes pour qui ?
Dernière édition par Jafas le Lun 30 Nov 2015 - 14:11, édité 1 fois |
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