Sujet: Concours n°16 - Handicap - Votes Dim 13 Sep 2015 - 12:17 | |
| Concours d'écriture n°16 Handicap J'étais, voyez vous en train de desespérer, quand tout à coup, aujourd'hui à une heure du matin. Pouf, une participation. Alors bon. Cela fait deux participations, que je vous offre. C'est peu. Mais voici un peu de lecture. Et n'oubliez pas de voter. Ecrire, ça prend du temps, je comprends. Mais lire et voter... Alors soyez gentils, vous avez jusqu'à dimanche prochain. Oui, oui. Le 20 septembre.- participation 1:
Les gens parlent fort et l'effleurent ou le bousculent. Certains regards griffent son visage, il le sait, il le sent. Caquètements de mots et crissements de rire. Des yeux bleus, bruns ou noisettes, grands ou petits, exorbités ou enfoncés, et les pupilles qui ne voient pas, et les oreilles qui ne voient pas. Un caillou trop petit roule sur le goudron noir et puant, personne ne le remarque. Un pigeon vole au-dessus des têtes, personne ne le remarque. Une pièce heurte le sol, personne ne la remarque. Un rayon blanc se faufilent entre les sombres nuages, personne ne le remarque. Personne ne remarque la vie qui bat son plein et la Terre qui tourne et qui se bat à chaque instant. Et les moteurs vrombissent, les klaxons retentissent et l'air lourd du soir est empli de la fumée étouffante de l'essence et des cigarettes qui se consument. Ils s'enferment dans le chaos et respirent la mort.
Il se sent perdu dans ce monde d'absurde.
Perdu comme un enfant d'un autre monde, comme un ange tombé du ciel détruit, comme une image au pays des sons. Perdu au milieu de bruits en pagailles et de regards menaçants, dans une atmosphère que ses poumons ne respirent pas et que ses yeux ne reconnaissent pas. Il n'est pas musicien dans cet orchestre. Que fait-il au milieu ? Il n'a pas sa place dans cet air. Mais on l'effleure ou le bouscule, les regards griffent son visage, et cela le terrifie. Tout comme ces mains capables de caresses comme de violences, tout comme ces voix gloussantes et belliqueuses, tout comme ces feuilles fragiles mais inévitables. Ce monde l'horrifie, il veut partir, il veut fuir aussitôt et sans réfléchir car penser n'arrange rien, penser souligne les incohérences et l'absurde – pourquoi se tuent-ils à petit feu s'ils tiennent à vivre ?
Ne pense pas. Ne pense pas. Ne. Pense. Pas.
Les enseignes épuisent doucement les réserves du globe. À l'intérieur des vitrines, des spots braqués sur des objets sans importance. À l'extérieur sur les façades, des lettres rouges, vertes, jaunes. Certaines clignotent, certaines éblouissent. Les mots ensemble ne veulent rien dire. Les feux tricolores suivent ce même schéma qui se répète à l'infini – vert, jaune, rouge, vert, jaune, rouge. Les phares jaunes ou blancs qui défilent et les lampadaires solennels qui boucle cet assortiment de lumières et de nuances. Rouge comme les dessins dans le ciel de l'aube ; vert comme les feuilles des maigres buissons ; jaunes comme une journée qui se termine – il ferme les paupières – et noir comme le monde qui s'éteint, comme les poumons crachant leur dernier souffle monoxyde et comme la cape néant de la mort carbone qui se renferme sur eux dans un soupir.
Une main sur son épaule. Un cri d'horreur, il tombe en arrière. Une voix vilaine qui s'enquiert de son état. Et ce regard... ce regard. Ne le touchez pas. Ne le touchez pas. Ne le- « TOUCHEZ PAS ! » Il se recule, terrifié, et réalise son erreur. Son cri a tourné d'autres iris – bruns, verts, gris, noirs – et les puits malfaisants des pupilles le transpercent de part en part, l'incitant à se traîner vers le mur le plus proche en se recroquevillant.
Laissez-le. Retournez à votre vécu sans valeur, empoisonnez votre foie, étouffez vos poumons, assassinez vos petit-enfants, oubliez les dodos, dormez dans votre nid d'absurde. Laissez-le, il ne fait pas partie de la danse, il déteste votre chanson ; par ses normes différentes des vôtres, il est handicapé.
- participation 2:
Sur le goudron du trottoir, une bouteille gisait là, ébréchée. Elle restait là, à prendre la poussière, et le soleil d'été, quand il se montrait jouait avec le verre, le faisait miroité. Parfois même se découpait sur l'asphalte un petit arc-en-ciel de couleur, qui chatoyait, timidement. Il y avait aussi, à l’intérieur de la bouteille, où croupissait au fond la pluie du dernier orage, un petit arc-en-ciel, qui apparaissait seulement quand on bougeait la tête et que l'autre, comme pour découvrir l'autre, disparaissait alors. Les deux petit arc-en-ciel, qui se volatilisait alors qu'un nuage cachait le soleil. Tout se couvrait alors d'ombre, et on distinguait moins bien celle de la bouteille qui se découpait sur le sol. Et le soleil réapparaissait, jouant encore avec les ombres, avec le verre. Réapparaissait aussitôt, dans un éclatement de couleurs, le petit rayon. Et toujours on entendait le bruit des voitures qui passaient, celui du monde extérieur. Un nuage recouvrit encore l'astre. L'enfant se recula, attendant le moment où l'arc-en-ciel réapparaît. Des bruits divers, crissements de pneu, klaxons et cris irritèrent ses oreilles, le fit sursauter. Il se tourna vers l'origine de se vacarme. Une voiture se tenait devant lui, et le soleil, qui réapparu à ce moment précis, fit étinceler la carrosserie neuve. La portière s'ouvrit et un homme en descendit. Sa bouche se tordait en différente expression étranges et ses sourcils se fronçaient au fur et à mesure qu'il faisait des gestes avec ses bras et qu'il disait : « Tu es fou ! Complètement fou ! Tu ne pourrais pas regarder ! Tu es sur le bord d'une route, je te signale, petit gars. » Et toujours, les bras partant dans tous les sens, sa bouche qui ouvrait son gouffre béant. L'enfant restait plongé dans la contemplation du petit nerf qui tressautait, sur le front à moitié dégarnit de l'homme, qui vociférait toujours. Il regardait l'enfant, agacé, dont la figure angélique n'offrait aucune émotion. A un moment, il voulu empoigné l'enfant, qui ne l'écoutait pas, qui ne l'écoutait plus. Sa main effleura le bras. L'enfant bondit, sursauta, et se mit à hurler. Personne n'avait jamais entendu un son aussi terrifiant sortir de la petite cage thoracique qu'ont les enfants. Personne. Les bras de l'homme retombèrent le long de son corps, inertes. Quels diables avaient piqué ce petit bout d'homme ? Il resta là à fixer l'enfant, les yeux ronds, qui hurlait toujours. Alors, après quelques minutes seulement, une fenêtre de la maison qui bordait le trottoir s'ouvrit et un femme apparue, se penchant, ses cheveux lâchent retombant sur son visage affolé. Certains passants s'étaient arrêtés, curieux. Le femme cria quelque chose. Le mot se noya sous les cris de l'enfant. Elle disparue alors, ne ferma même pas la fenêtre et l'air qui s'engouffrait alors par l'entrée béante soulevait le rideau de dentelle. Un instant plus tard, elle était dans la rue, pieds nus. Elle s'approcha de l'enfant, mais resta à des distances respectueuses. Le cri mourut sur les lèvres roses. La femme se pencha un peu, ne sourit pas, l’inquiétude légère, demeurant sur son visage, barrant son front d'une ride. « Ce n'est rien, chaton, ce n'est rien. Viens avec moi. » L'enfant ne bougea d'abord pas puis il trotta vers elle, chercha sa main, glissa la sienne à l’intérieur. Pendant tout ce temps, l'homme était resté là, comme idiot. Alors, seulement, la femme sembla remarquer sa présence. Elle lui sourit, un sourire crispé. Deux traits de fatigue soulignait ses yeux bleus. Puis les deux disparurent dans l'ombre de cette maison. L'homme resta encore un instant, les passants étaient retournés à leurs occupations. Il donna un coup de pied dans la bouteille qui se trouvait là, et qui s'éclata en morceaux sur le trottoir sale. Puis il remonta dans sa voiture, toujours hanté par cet enfant, dont le monde bien rangé avait rencontré le sien, l'espace d'un instant. Et toi, Invité, tu votes?
Dernière édition par Jafas le Dim 13 Sep 2015 - 17:36, édité 1 fois |
|
Sujet: Re: Concours n°16 - Handicap - Votes Dim 13 Sep 2015 - 19:52 | |
| Damn, c'était un plaisir à lire, le premier texte est d'une grande fluidité que j'ai beaucoup appréciée, et le second est créatif à souhait, bravo à vous! |
|