Un ruisseaux qui s'écoule sans éroder les rochers qui tapissent son fond. Une feuille verte qui tombe lentement au sol, et disparaît. Un morceau de terre qui s'est détaché de la réalité, pour venir flotter dans les limbes de l'esprit d'une petite fille . Nous connaissons tous ce paradis perdu.
 Une plaine qui s'est arrachée au sol pour s'envoler haut dans l'éther, au-dessus de l'atmosphère, au-delà de la voûte céleste, pour dériver à l'infini dans un espace hors du temps, et qui a emporté avec elle une rivière et ses ruisseaux, une forêt et ses chênes centenaires, des ruines humides sur lesquelles poussent des plants de lierres majestueux ou des lichens multicolores, et des petits chemins pavés de pierre moussue. Un grand bouleau, avec une balançoire dont les cordes sont attachées à la branche la plus haute de l'arbre, avec laquelle on croit s'envoler... Et puis au centre, un lac. Un lac profond, d'un bleu intense, dont les abysses abritent un coeur d'enfant qui palpite sans relâche, sans se décourager, pour emporter le petit paradis toujours plus haut, toujours plus loin de cette terre qui le plombe.
On y vit sans y croire vraiment ; on n'y marche pas, on y évolue comme un fluide, un esprit sans but qui vient s 'enfermer dans un repos silencieux. C'est la mort de la réalité, tout autant que la vie d'un autre plan, d'une entité qui sommeille en nous sans pouvoir vraiment se réveiller.
C'est un endroit si serein, un endroit qui chante une mélodie oubliée à ceux qui sont prêts à l'entendre. Une mélodie venue des tréfonds de nous-même, des abysses mystérieuse de notre conscience d'enfant. Un endroit qui rappelle les pages jaunies et cornées d'un vieux tome du seigneur des anneaux, un endroit où on peut rester jeune toute sa vie, mais qui nous connait déjà si vieux. Presque aussi vieux que les chênes, que la rivière, les ruisseaux et les ruines. Un éternel jardin secret, un petit havre de paix et de solitude.
Mais transporter tous les espoirs, toutes les joies, toute l'imagination d'une petite fille c'est si dur… Le jardin se décolore ; il vieillit. Il perd son goût, son odeur, sa douce mélopée qui était si enchanteresse. Il s'éloigne, il devient trop difficile à atteindre. On pleure, on crie, on l'appelle, mais on n'y peut rien. Il reste un lointain souvenir, merveilleux et mélancolique, qui abreuve ce qui nous reste d'imaginaire autant qu'il le leste de regrets. Elle s'envole plus loin que jamais, et elle emporte avec elle sa clef dorée qui nous est tombée des mains, sans sans qu'on s'en aperçoive vraiment.